La France peine à partager ses informations fiscales avec la Suisse

L'administration fiscale suisse (AFC) parvenue rassembler informations 2 millions comptes auprès 7.000 institutions financières déclarantes.
L'administration fiscale suisse (AFC) est parvenue à rassembler des informations sur 2 millions de comptes auprès de 7.000 institutions financières déclarantes.

Sur une trentaine de pays qui devaient échanger des renseignements financiers avec la Suisse fin septembre, deux pays n'ont pas joué le jeu : l'Australie et... la France.

En Suisse, c'est un événement historique. Pour la première fois, son administration fiscale, l'Administration fédérale des contributions (AFC), a transmis les 29 et 30 septembre des renseignements à plusieurs dizaines de pays sur les comptes détenus en Suisse par des non-résidents. Une étape préparée de longue date, qui marque la fin du secret bancaire et  l'aboutissement de négociations

Problème : sur les 28 pays de l'Union européenne, auxquels s'ajoutent neuf autres Etats et territoires, qui se sont engagés à échanger des renseignements avec la Suisse, deux pays n'ont pas joué le jeu : l'Australie et... la France. « Ces Etats ne pouvaient pas encore livrer leurs données à l'AFC pour des raisons techniques », a  concédé l'AFC vendredi . Berne a du coup refusé d'envoyer à la France ses propres informations.

« Raisons techniques »

La France, où s'ouvre ce lundi le procès UBS pour fraude fiscale, a joué un rôle moteur dans le Forum mondial de l'OCDE sur la transparence et l'échange automatique de renseignements. « Aujourd'hui marque la fin du secret bancaire en Europe et, même au-delà, se réjouissait l'ancien ministre des Finances Michel Sapin lors de la signature à Berlin de  l'accord multilatéralC'est insupportable pour les citoyens qui paient leur impôt d'en voir certains qui y échappent. »

A Bercy, on explique ce retard à l'allumage par « un volume d'informations à transmettre plus important cette année », en raison notamment d'un périmètre de données plus large, avec l'inclusion de l'assurance-vie, par exemple. « De ce fait, la transmission de données de la part de la France vers la Suisse subit un léger retard, indique un porte-parole de la Direction générale des Finances publiques (DGFIP). Il sera rattrapé dans les jours à venir. »

Accord multilatéral

Des explications qui n'ont pas l'air de convaincre Berne, parvenue à rassembler des informations sur 2 millions de comptes auprès de 7.000 institutions financières déclarantes, incluant banques, trusts, assurances, etc. « Depuis la loi du 1er janvier 2017, on se prépare à cet échange de données, explique une source proche de l'AFC. On s'est mis d'accord avec les institutions financières sur un standard d'information et on a inventé une solution technique. »

Paris, qui a échangé des informations avec d'autres pays en 2017, juge que Berne devrait lui envoyer ses renseignements. « Le principe de l'échange automatique veut qu'aucun pays ne subordonne ses envois à l'analyse préalable des informations émanant des autres pays, affirme la DGFIP. L'administration fiscale suisse n'a, dès lors, pas de raison de différer ses envois à la France », ajoute-t-elle, constatant qu'elle a procédé à des envois vers d'autres pays.

Paris conteste

Outre la France et l'Australie, qui ont invoqué des raisons techniques, la Croatie, l'Estonie et la Pologne n'ont pas envoyé leurs données à la Suisse. Chypre et la Roumanie sont exclues de l'échange car elles ne remplissent pas encore les exigences internationales en matière de confidentialité et de sécurité des données, indique l'AFC.

Thibaut Madelin