Affaire Benalla : l’emballement médiatique

C’est une bien étrange comédie qui se joue en France entre la presse et le pouvoir, à l’occasion de l’épisode Benalla. Est-ce une affaire d’Etat, s’interrogent les chaînes en continu. Les experts invités clignent des yeux, peu enclins à contrarier un système qui les fait vivre !

Mais de quoi parle-t-on au fait ? De quoi parle-t-on EXCLUSIVEMENT en France depuis 10 jours, alors que les migrants continuent à mourir en mer, que l’ultra-droite introduit une loi raciste en Israël et qu’Assad achève son œuvre de destruction?

On parle d’un jeune homme, chargé d’assurer les déplacements du président Macron, qui arbore illégalement brassard et casque de police, pour mieux molester des manifestants à l’occasion du défilé du 1er mai. Eux-mêmes ne sont pas des poussins de la veille, comme le montre la désormais célèbre vidéo de la place Contrescarpe, arrivée sur les bureaux du Monde et qui a mis plusieurs jours à être publiée dans son intégralité.

Alexandre Benalla a commis une faute grave. C’est indéniable. Il y a eu violence, usurpation de fonction et violation supposée du droit. La justice le dira. A trop côtoyer le Roi, il arrive que l’on prenne le soleil. Benalla a été sanctionné. Suffisamment? Pas moins de quatre instances sont chargées de le dire! Au parquet, dans l’administration et dans les commissions d’enquête du Sénat et de l’assemblée. On est couvert! Tout, tout, tout, dans cette affaire est examiné: sa mise à pied, ses retenues salariales, le respect de la procédure. Tout! y compris la question de la dissimulation des faits par le pouvoir en place. Les institutions françaises fonctionnent.

Alors pourquoi un tel tintamarre, depuis 10 jours? Pourquoi une telle curée dans un pays qui a connu le Rainbow Warrior, les écoutes téléphoniques, les emplois fictifs, les financements occultes des partis? Qu’est ce qui se cache derrière l’affaire Benalla, intéressante par ce qu’elle dit de la France et raconte du pouvoir actuel?

Certains médias, abreuvés de confidences, commencent à évoquer la vengeance des corps intermédiaires, syndicalistes policiers, commissaires et gendarmes, contournés par ce jeune président vibrion, qui entend penser seul sa sécurité.

Il y a aussi l’aubaine dont se saisit l’opposition pour mieux bousculer ce Rastignac météore, qui depuis un an fait passer ses réformes au pas de charge et par ordonnances. La vengeance du vieux monde face à l’état start-up.

Le président Macron, élu en république, se comporte souvent en monarque et paie la fulgurance de son ascension.

Et que dire de la presse?

Le quotidien Le Monde a fait son travail en publiant la vidéo. Le président Macron, tout à sa morgue, serait bien avisé de ne pas copier Trump et mépriser le travail indispensable des médias qui recherchent la vérité. Sans Le Monde, rien n’aurait filtré. Mais après? 

Combien d’erreurs professées? Combien de faits erronés, vus, lus, entendus, on ne sait plus trop où, tant les révélations des uns répondaient à celles des autres, dans un emballement inouï, alimentant la République du soupçon de tous contre tous! Alexandre Benalla n’est pas sous-préfet. Il ne gagne pas 10'000 euros. Il n’occupe pas un appartement de 300 mètres carrés, Il n’a pas de véhicules de fonction etc…

L’apparition d’Alexandre Benalla en fin de semaine, sur TF1, semble avoir calmé la tempête et ramené l’affaire à ses vraies proportions, celle d’une affaire d’été.

La multiplication de l’information produite par presque tout le monde pourrait remettre en cause le journalisme, dit Macron. Et si elle rendait encore plus nécessaire un journalisme rigoureux?